La déclaration d'inaptitude du salarié par le médecin du travail suite à la réforme de la médecine du travail
Un nombre grandissant de burn out, d’anxiété ou encore de la dépression au travail ont souvent pour conséquence l'inaptitude des salariés. Ce phénomène n'épargne aucun secteur d'activité.
Certaines pathologies sont reconnues en tant que maladies professionnelles, d'autres ne le sont pas. Le législateur a été amené à se pencher sur la question, pour encadrer davantage le suivi
médical des salariés et prévenir les risques psychosociaux ayant un impact fort négatif sur le fonctionnement des entreprises. Dans la poursuite de la réforme de la médecine du travail et des
services de santé au travail prévue par la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 relative à la modernisation du dialogue sociale et à la sécurisation des parcours professionnels, de nouveaux
formulaires d'avis d'aptitudes, d'inaptitudes ont été créés par l'arrêté du 16 octobre 2017, applicables à compter du 1ier
novembre 2017.
Une meilleure lisibilité s’avère indispensable, surtout aujourd'hui où l'employeur n'est plus vraiment tenu
de motiver son licenciement. Le décret n°2017-1820 du 29 déc. 2017 a prévu des modèles types pour la notification de différents licenciements. C'est ainsi que l'attestation
de suivi du salarié dont l'employeur reçoit une copie, rédigée par le médecin du travail à l'issue des visites soit la visite d'information et de prévention (article L 4624-14 du Code de
travail), soit dans le cadre du suivi médical renforcé, permet de préciser l'état de santé du salarié et de connaître l'orientation que va prendre son dossier.
Auparavant le médecin du travail qui déclarait le salarié "apte", "apte avec réserves" ou "inapte"
lors du 2ième visite ou en un seul examen, ou encore suite au danger immédiat ou examen de pré-reprise, cochait simplement une case
prévue à cet effet. C'est ainsi qu'un salarié, victime d'accident de travail ou de maladie profesionnelle pouvait être déclaré inapte sans aucune précision, surtout s'il a été considéré comme
consolidé auparavant.
Aujourd'hui, les différents modèles prévus visent à donner plus de lisibilité pour un travailleur, surtout celui bénéficiant d'un suivi individuel renforcé.
Depuis 1ier janv. 2017, une seule visite peut suffire pour déclarer l’inaptitude du salarié. Cependant, pour déclarer inapte à son poste de travail un salarié, le médecin du travail doit réaliser
au moins un examen médical de l'intéressé, effectuer une étude de poste, et faire réaliser une étude des conditions de travail dans l'établissement
concerné, tout en procédant à un échange avec l'employeur. (article R 4624-42 du Code de travail). Vu que les échanges avec l'employeur n'existaient pas auparavant, il pourrait y avoir un
risque des consignes de l’employeur au médecin du travail. Dans certains cas, le médecin du travail peut prescrire des examens complémentaires ou encore consulter le médecin inspecteur du
travail. (articles R 4624-35 - R 4624-43 du Code de travail).
Le médecin du travail peut mentionner dans l'avis d'inaptitude "tout maintien du salarié dans son emploi serait gravement préjudiciable à sa santé" ou
encore "l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi", ce qui va dispenser l'employeur de son obligation de reclassement. (art. L 1226-2-1, L 1226-12
ou R 4624-42 du Code de travail). Même s'il est toujours possible de contester l'avis médical, force est de constater que l'ancienne jurisprudence a été bien beaucoup plus restrictive en la
matière, ce qui permettait au salarié d'être indemnisé. En effet, les mentions "inapte à tout poste", "inapte à tout travail" ou encore "inapte à tout emploi"
n'exonéraient pas l'employeur de son obligation de reclassement. Aujourd'hui, si l'avis d'inaptitude délivré par le médecin du travail, constantant qu'aucune mesure d'aménagement,
d'adaptation ou de transformation du poste occupé n'est possible (Article L 4624-4 du Code de travail), il serait difficile à notre avis de soulever le manquement de l'employeur à son obligation
de reclassement. De plus, ledit avis doit être accompagné de conclusions écrites et des indications du médecin prescrivant des mesures individuelles ayant pris en considération l'état
de santé physique et mental du salarié mais aussi son âge. (Article L 4324-3 du Code de travail).
Nouveau!!!
La procédure de recours contre l'avis, propositions, conclusions écrites ou indications du médecin du travail a été modifié à compter du 1ier janvier 2018
(décret 2017-1698 du 15 déc. 2017, art. R 4624-7 du Code de travail). Le délai de recours contre avis du médecin du travail devant le Conseil de prud'hommes statuant en la
forme de référé est resté de 15 jours, mais il doit être indiqué dans la décision rendue par ce dernier pour être opposable. (art. R
4624-45 du Code du Travail). Une modification a été apportée concernant l'expertise, il n'est plus obligatoire pour le Conseil de
prud'hommes de désigner un expert près la Cour d'appel pour examiner l'avis du médecin de travail, il peut se prononcer lui-même sur
l'avis du médecin du travail ou s'il juge nécessaire faire appel au médecin inspecteur du travail. De plus, l'employeur peut demander à ce que les éléments médicaux ayant fondé les avis,
propositions ou conclusions du médecin du travail, soient communiqués à un médecin mandaté par lui. Même s'il n'existe aucune précision concernant cette nouvelle mesure, cette possibilité offerte
à l'employeur lui permettrait d'avoir l'accès à l'information sur l'état de santé de son salarié.
Ainsi, malgré quelques avancées mineures à notre avis pour le salarié, la réforme de la médecine du travail donne plus de pouvoir au médecin du
travail qui devient un interlocuteur privilégié pour le salarié, tout en restant conseiller principal de l'employeur.